Enfance,
formation et débuts
Cassius
Marcellus Clay naît le 17 janvier 1942 à Louisville
dans le Kentucky, d’Odessa Clay Marcellus et de Cassius
Marcellus. Il grandit dans un quartier noir de Louisville.
Sa mère travaille comme femme de ménage et comme cuisinière
des familles blanches aisées et son père vend des gravures
religieuses et commerciales.
Sans
être riches, les Clay peuvent donner une éducation correcte
à leurs enfants. Alors qu’il est âgé de 12 ans en 1954
à Louisville dans le Kentucky, le jeune Cassius Clay
est victime d’un vol de vélo. Énervé il rencontre un
policier à qui il fait part de son intention d’infliger
une correction au voleur. Le policier, Joe Elsby Martin
Sr, lui dit qu’il ferait mieux de commencer par apprendre
à boxer. Le jour suivant Cassius suit son conseil et
commence à prendre des cours de boxe sous la houlette
de Martin. Quelques semaines plus tard il dispute son
premier combat et remporte sa première victoire. Ali
mettra au crédit de Martin de lui avoir appris à voler
comme un papillon et piquer comme une abeille.
Carrière
de boxeur
Boxeur
amateur
Vainqueur
en amateur des National Golden Gloves dans la catégorie
mi-lourds en 1959, puis en poids lourds l'année suivante17,
il remporte la médaille d'or des poids mi-lourds aux
Jeux olympiques d'été de 1960 à Rome18. Il passe alors
professionnel sous la tutelle d'Angelo Dundee et se
fait rapidement connaître pour son style peu orthodoxe,
ses résultats spectaculaires et son auto-promotion incessante.
Il se fait connaître sous le surnom de « Louisville
Lip » (la lèvre de Louisville) en composant des poèmes
prédisant à quelle reprise il mettrait son adversaire
KO. Il n'hésitait pas à chanter ses propres louanges
avec des phrases telles que « Je suis le plus grand
» ou « Je suis jeune, je suis mignon et je suis totalement
imbattable ». Il conservera pendant toute sa carrière
ce verbe haut qui est une de ses plus grandes caractéristiques.
Débuts
professionnels
À
Louisville, le 29 octobre 1960, il gagne son premier
combat professionnel aux points contre Tunney Hunsaker19.
Clay part ensuite pour la Floride avec son entraîneur
Angelo Dundee. Le jeune médaillé d'or de dix neuf ans
remporte quelques victoires et va même jusqu'à réaliser
une exhibition contre l'ex champion du monde Ingemar
Johansson qui prépare son troisième combat contre Floyd
Patterson. Cassius repart ensuite dans son fief de Louisville
et continue à vaincre tous ses adversaires.
C'est
en 1962 que sa notoriété commence à se répandre à travers
l'Amérique. Clay boxe pour la première fois dans les
villes de New York et Los Angeles. Le 15 novembre, il
remporte un succès tonitruant contre Archie Moore en
quatre rounds. Clay avait prédit avant le combat qu'il
stopperait son adversaire au 4e20.
C'est
l'année 1963 qui ouvrira au futur Ali la voie jusqu'au
titre de champion du monde. Il gagne aux points avec
difficulté contre Doug Jones dans ce qui va devenir
le combat de l'année21 et fait à nouveau parler de lui
en obligeant l'arbitre à arrêter son combat contre Henry
Cooper pour blessure au 5e round22. Cooper avait au
round précédent envoyé Clay à terre pour la première
fois de sa carrière.
Nommé
boxeur de l'année 1963, Clay devient presque naturellement
l'adversaire du champion du monde Sonny Liston, mais
malgré dix neuf victoires dont quinze K.O. et aucune
défaite, il semble peu probable que le boxeur de Louisville
parvienne à vaincre un boxeur jugé invincible.
Les
combats contre Sonny Liston
Le
25 février 1964 à Miami, le public s'attend à une formalité
pour le tenant du titre. À la surprise générale, Liston
se retrouvera dominé par un Clay énergique qui se servira
de sa rapidité et de son jeu de jambes parfait avec
brio, imposant son style à un champion furieux qui ne
trouvera pas de solutions. Liston se blessera à l'épaule
à force d'envoyer ses coups dans le vide et ses hommes
de coin seront obligés de lui appliquer une pommade
puissante sur l'épaule. Le challenger récoltera involontairement
de cette pommade en frappant Liston et se frottant ensuite
les yeux avec ses gants. Sa vue handicapée permet à
Liston de refaire surface au 5e round et de traquer
son adversaire d'un coin à l'autre du ring. Une fois
la tempête passée, Clay repart à l'attaque dans le sixième
round et se déchaîne. À l'appel de la 7e reprise, le
champion épuisé et blessé à l'épaule abandonne. Cette
victoire en 6 rounds contre le plus puissant puncheur
de l'époque (1,84 m pour 99 kg) est le plus grand combat
d'Ali dans les années 1960. La qualité de ses feintes
et de ses enchaînements firent à nouveau de lui le gagnant
du combat de l'année23. Des suspicions de fraude concernant
ce match ne sont toutefois pas à écarter24.
Le
combat revanche, le 25 mai 1965 à Lewiston (Maine),
sera particulièrement controversé. À la suite d'un jab
manqué, Liston sera contré par un direct du droit d'Ali
(son fameux « phantom punch » pour les sceptiques ou
« anchor punch » pour Ali lui-même) et tombera à terre.
Attendant le compte de l'arbitre, Liston restera à terre
et se relèvera trop tard, l'arbitre étant trop occupé
à ramener dans le coin neutre un Ali qui fanfaronnait
autour du ring. Le combat reprit quelques instants avant
que l'arbitre informé de son erreur par le chronométreur
ne mette fin au combat (Liston était encore à terre
après 10 secondes). Le public sifflera les deux boxeurs
; les journalistes accuseront Liston de s'être « couché
»25 dans ce combat prétendu truqué.
Cassius
Clay devient Mohamed Ali
Mohamed
Ali à un meeting d'Elijah Muhammad.
Entre
les deux matchs, il devient également célèbre pour des
raisons dépassant le domaine sportif : il rejoint l'organisation
Nation of Islam (« Nation de l'islam ») et change son
nom en Cassius X, la lettre X faisant référence au rejet
de son nom d'esclave en l'absence de son véritable nom
d'origine africaine, pratique courante au sein de cette
organisation26. Malcolm X fut le seul musulman à le
soutenir avant son premier combat contre Liston (Malcolm
X a d'ailleurs assisté au premier combat), puis il reçoit
le nom de « Mohamed Ali » de la part d'Elijah Muhammad,
chef du mouvement.
Une
lutte de pouvoir s'engagera autour d'Ali entre Elijah
et Malcolm X. Finalement, Ali tournera le dos publiquement
à Malcolm lors d'un voyage au Nigeria en 1964 et sera
managé par Herbert Muhammad, le propre fils d'Elijah.
La notoriété du boxeur profitera à la Nation of Islam.
Ali se rendra en Égypte en 1964 et sera accueilli par
son président, Gamal Abdel Nasser, comme l'ambassadeur
de la communauté noire des États-Unis. Ce n'est qu'après
l’assassinat de Malcolm X en 1965 qu'il regrettera son
geste. Ali quitte la Nation de l'Islam pour se convertir
à l'islam sunnite en 1975. Dans une autobiographie en
2004, écrite avec sa fille Hana Yasmeen Ali, Mohamed
Ali attribue sa conversion à l'islam sunnite à la prise
du contrôle de la Nation de l'Islam par Warith Deen
Muhammad, le fils d'Elijah Muhammad, après la mort de
ce dernier en 1975. En 2005, Ali a rejoint le soufisme.
Champion
incontesté
Du
25 février 1964 au 20 juin 1967, Ali domine incontestablement
la catégorie des lourds comme Joe Louis et Rocky Marciano
avant lui. Après sa seconde victoire contre Liston,
il fait une dizaine d'exhibitions à travers le monde
en compagnie de ses deux sparrings partners : Jimmy
Ellis et Cody Jones. Le 22 novembre 1965, à Las Vegas,
il affronte l'ancien champion Floyd Patterson qui avait
subi de graves revers contre Sonny Liston (perdant deux
fois au premier round). Le champion conserve son titre
au bout de 12 rounds et envoie le challenger au sol
à plusieurs reprises.
Alors
que traditionnellement le champion fait deux combats
par an, Ali lui en accomplira 5 en 1966. Il bat aux
points le canadien George Chuvalo à Toronto en mars,
puis retrouve en mai Henry Cooper, le boxeur qui l'avait
envoyé à terre, et le met KO à Londres. Toujours dans
cette ville, il dispose de Brian London en 3 rounds
le 6 août28, bat le champion allemand Karl Mildenberger
à Francfort le 10 septembre et finit l'année par un
K.O. contre Cleveland Williams à Houston.
La
fédération WBA qui n'apprécie pas les positions politiques
d'Ali, prend prétexte de l'illégalité de son combat
revanche contre Liston pour lui retirer sa ceinture,
sans son accord, et sacrer Ernie Terrell champion du
monde. Le titre est pour la première fois divisé. Ali
reste cependant le champion incontesté et conserve sa
ceinture WBC. Il récupère le titre WBA le 6 février
1967 dans un combat de réunification à Houston contre
Ernie Terrell. Ali regagne aisément son titre, mais
ne parvient pas à briser Terrell qui, la garde haute,
tiendra jusqu'au bout des 15 rounds31. Le 6 mars, Ali
met ensuite K.O. Zora Folley, un puncheur jugé dangereux
pour le champion.
Ses
problèmes judiciaires à propos de son incorporation
dans l'armée américaine l'empêchent de participer à
un autre championnat du monde. Il ne peut qu'accomplir
une exhibition à Détroit le 15 juin. C'est sa dernière
apparition sur le ring avant 1970.
En
1969, il participe au combat The Super Fight, un combat
virtuel contre Rocky Marciano.
Objecteur
de conscience opposé à la guerre du Viêt Nam et interdit
de ring
Ali
participe à un service de la Nation of Islam en mars
1974.
En
1966, il refuse de servir dans l'armée américaine engagée
dans la guerre du Viêt Nam et devient objecteur de conscience
argumentant qu'il n'a « rien contre le Viêt-cong » et
qu'« aucun Vietnamien ne m'a jamais traité de nègre
» (dans le film qui lui rend hommage, Ali, avec l'acteur
Will Smith, la traduction en français est : « aucun
Viêt-cong ne m'a jamais traité de sale nègre. »). Le
28 avril 1967, il refuse symboliquement l'incorporation
dans un centre de recrutement. Le 8 mai, il passe en
justice. Le 20 juin, il est condamné à une amende de
10 000 dollars et à 5 ans d'emprisonnement, il perd
sa licence de boxe et son titre. Ali fait appel, il
n'ira pas en prison, mais aura des problèmes financiers
jusqu'à ce que son affaire soit résolue par la Cour
suprême en 1971.
Les
prises de position d'Ali contre le service militaire
ou sa conversion à l'Islam le transforment d'un champion
fier, mais populaire en l'une des personnalités les
plus connues et controversées de son époque. Ses apparitions
publiques aux côtés des leaders de la Nation of Islam
Elijah Muhammad et de Malcolm X ainsi que ses déclarations
d'allégeance à leur cause au moment où l'opinion américaine
les considère avec circonspection, quand ce n'est pas
avec hostilité, font également d'Ali une cible d'indignation
et de suspicion. Il paraît même parfois provoquer de
telles réactions en soutenant des opinions allant du
support aux droits civiques jusqu'au soutien sans réserve
à la lutte contre la ségrégation raciale.
Retour
et première défaite
En
1970, Ali renonce officiellement à son titre, permettant
à Joe Frazier, nouvelle étoile montante de la catégorie,
de réunifier le titre aux dépens de Jimmy Ellis. Il
remporte son procès devant la Cour suprême des États-Unis,
qui lui reconnaît le droit de refuser le service militaire.
Il récupère alors sa licence et reprend la boxe.
Après
quelques combats d'exhibition, Ali fait son retour contre
le grand espoir blanc Jerry Quarry qu'il bat en 3 rounds
le 26 octobre à Atlanta.
Pour
se préparer à combattre le champion Joe Frazier, Ali
affronte l'Argentin Oscar Bonavena le 7 décembre à New
York en 15 rounds pour le titre de champion d'Amérique
du Nord NABF. Il affronte ainsi un boxeur n'ayant jamais
été mis KO pour être capable de tenir sans faiblir contre
Frazier dont le menton est connu comme l'un des plus
solides de la catégorie. Avant le 15e round, Bonavena
est en retard aux points pour les trois juges. Un crochet
gauche d'Ali l'envoie à terre. Bonavena se relève, mais
est mis encore deux fois au tapis et perd finalement
par KO technique.
Suit
le combat contre Frazier. Ali prenant le risque de se
mesurer à un boxeur de très haut niveau après trois
ans d'absence des rings. Très attendu et médiatisé,
ce combat est surnommé « le combat du siècle ». Premier
championnat du monde entre deux champions invaincus
totalement opposés dans le style, il est le premier
des grands affrontements qui marqueront l'histoire de
la boxe dans les années 1970.
La
rencontre a lieu le 8 mars 1971 au Madison Square Garden
de New York. Cet affrontement est la première défaite
d'Ali, « sûr de son bon droit, et qui pensait sa reconquête
du titre légitime », ainsi qu' il l'écrira plus tard
dans son autobiographie L'âme du papillon, en ajoutant
qu'il avait sous-estimé Joe Frazier, pensant que le
boxeur de Philadelphie serait bien moins motivé que
lui.
Ali
remporte les premiers rounds, mais ne trouve pas de
solutions probantes face à ce spécialiste du corps à
corps qu'est Frazier, qui lui impose son style avec
ses lourds crochets. Ali met un genou à terre au 11e
round et au 15e et dernier round, il se fait surprendre
par Frazier qui lui décoche son coup favori, le crochet
gauche. Touché au visage, Ali tombe au sol et se relève
à 4 pour reprendre le combat, qu'il perd finalement
aux points. Cette première défaite met fin à son souhait
de finir invaincu comme Rocky Marciano, Ali en voudra
toujours à Frazier d'avoir brisé son rêve.
La
Cour suprême l'innocente définitivement le 28 juin 1971.
Les 8 juges l'acquittent à l'unanimité.
La
longue route vers la reconquête du titre
Après
s'être remis de sa défaite, Ali, accomplit 14 combats
et 39 combats d'exhibition entre le 25 juin 1971 et
le 30 octobre 1974. Le but était de revenir au plus
haut niveau par une activité pugilistique intense et
d'engranger assez de victoires pour être désigné challenger
mondial numéro 1.
Durant
cette période, Ali affronte les meilleurs boxeurs américains
pour le titre de champion d'Amérique du Nord, tels que
Jimmy Ellis36 (son ancien sparring-partner), Buster
Mathis, Juergen Blin38, Mac Foster, Bob Foster39 (champion
du monde des mi-lourds) et Joe Bugner.
Il
en profite pour affronter à nouveau George Chuvalo41,
Jerry Quarry et Floyd Patterson (qui tout de suite
après prendra sa retraite). Ali boxe autour du monde
: des combats à Zurich, Tokyo, Vancouver, Dublin et
Jakarta et des exhibitions à Caracas, Buenos Aires ou
Barcelone.
En
1973, sa carrière connaît un coup d'arrêt : le 22 janvier
à Kingston, Jamaïque, Joe Frazier est détruit en 2 rounds
et va au tapis à 6 reprises contre George Foreman, terrible
colosse et nouveau roi des lourds. Dans son autobiographie,
Ali raconte qu'il était obligé de vaincre les deux hommes
pour assurer à nouveau sa suprématie sur la catégorie.
Mais le plus dur arrive pour lui le 31 mars à San Diego
contre Ken Norton. Le boxeur californien lui brise la
mâchoire au 2e round, Ali, handicapé par la douleur,
tient jusqu'à la douzième et dernière reprise, mais
est déclaré perdant sur la décision de deux juges sur
trois. Une deuxième défaite devant un adversaire doué
mais qui dispose de moins d'envergure que Joe Frazier[réf.
nécessaire], fait de facto qu'Ali se retrouve avec un
3e boxeur coriace à vaincre pour retrouver le sommet.
Ali
choisit d'affronter ces trois boxeurs du plus « facile
» au plus « dur ». Tout d'abord Norton. Ali prend sa
revanche le 10 septembre 1973 à Los Angeles (et non
à San Diego afin de priver Norton des supporters de
sa ville natale). Ali gagne de justesse aux points45.
Il prend ensuite sa revanche aux points contre Frazier
le 28 janvier 1974 au Madison Square Garden de New York.
Ali qui s'est astreint à un rythme de combats élevé
depuis leur première rencontre46 fera bien meilleure
impression que l'ex-champion en manque d'activité. Ali
et Frazier en viendront aux mains devant les caméras
lors d'une émission de télévision, depuis leur rivalité
est restée légendaire.
Il
lui reste à présent à accomplir le plus dur : reprendre
le titre à George Foreman, impitoyable puncheur invaincu
en 40 combats dont 37 par KO.
La
reconquête du titre
Le
stade Tata Raphaël de Kinshasa, où a eu lieu le Rumble
in the Jungle, le 30 octobre 1974.
Un
nouveau promoteur de boxe organise la rencontre entre
les deux adversaires dans l’actuel Stade Tata Raphaël
(baptisé « Stade du 20 mai » à l’époque), à Kinshasa,
au Zaïre, actuelle République démocratique du Congo.
Don King, qui s'imposera ensuite comme le plus important
promoteur de boxe de la fin du XXe siècle, offre au
champion et au challenger 5 millions de dollars US chacun
(une somme record à l'époque) qu'il a obtenue auprès
du dictateur Mobutu Sese Seko qui souhaite par ce combat
faire la promotion de son pays.
La
presse donne peu de chance à Ali de venir à bout de
Foreman qui, de façon expéditive et brutale, a gagné
contre Frazier et Norton, les deux seuls hommes à avoir
vaincu Ali et si celui-ci a pris sa revanche, il ne
l'a pas fait par KO.
Étudiant
avec soin le style de Foreman, il trouve son point faible
: le manque d'endurance, (le champion ayant gagné l'essentiel
de ces combats dans les premiers rounds, Ali comprend
qu'il lui faut tenir et faire durer l'affrontement).
Ali parcourt la capitale et le bord du fleuve Congo
en courant pour renforcer son endurance sous les acclamations
du public qui scande "Ali bumaye" ("Ali
tue le") alors que Foreman se contente de s'entraîner
en frappant au sac et en martyrisant ses sparrings partners.
Ali s'entraîne à encaisser des coups violents avec son
ami Larry Holmes (qui par la suite deviendra champion)
et lance une opération de désinformation envers Foreman
en faisant croire à tout le monde qu'il allait vaincre
par sa vitesse et sa mobilité. Ali devient rapidement
le favori de la foule de Kinshasa pour son action envers
la cause des Noirs, ce qui vexera Foreman.
Surnommé
« The Rumble in the Jungle », le combat a lieu le 30
octobre 1974. Ali, dont le meilleur coup est le jab
et dont le principal atout est la mobilité, reste la
majeure partie du combat dans les cordes et surprend
Foreman en lui envoyant dans les premiers rounds plus
de directs du droit que du gauche. La garde haute, encaissant
avec douleur les coups violents du champion et rebondissant
contre les cordes, Ali résiste, riposte par de nombreux
enchaînements, qui épuisent et marquent Foreman, obligé
à combattre plus de 5 rounds. Le visage enflé par les
coups d'Ali, il tombe au 8e round après avoir encaissé
une énième série de coups. Compté KO, il se relève une
seconde trop tard. Ali reprend ainsi son titre dix ans
après son premier combat contre Liston.
Ce
fut sa plus grande victoire tactique, qui fut récompensée
comme combat de l'année, et Ali fut nommé une fois de
plus « boxeur de l'année ». Il a également reçu la Hickok
Belt de 1974 récompensant le meilleur athlète professionnel
de l'année, ainsi que le trophée du sportif de l'année
du magazine Sports Illustrated.
L'apogée
En
1975 et 1976, il effectue 4 combats par an, toujours
dans le souci de se maintenir au plus haut niveau.
En
1975, il est à nouveau boxeur de l'année et atteint
son apogée par sa troisième rencontre contre son éternel
rival Joe Frazier (de nouveau élu combat de l'année)
cependant, les quatre adversaires qu'il rencontre cette
année là réussissent tous à l'ébranler à leur façon.
Ali débute l'année contre Chuck Wepner à Cleveland,
un combat de rentrée facile contre un adversaire anonyme
destiné à être vaincu en 3 rounds. Pourtant, Wepner
étonne tout le monde en n'étant arrêté qu'au 15e round
par KO après avoir résisté avec hargne et s'être permis
le luxe d'envoyer Ali à terre48 (Sylvester Stallone
alors inconnu assista au match, ce qui lui donnera l'idée
de créer le film Rocky qui sortira l'année suivante).
Ali
pense venir à bout sans dommage de Ron Lyle le 16 mai,
un boxeur à la carrure semblable à celle de Foreman.
Il réutilise la même technique qu'en Afrique mais le
challenger ne tombe pas dans le piège et l'oblige à
boxer au centre du ring. Il s'impose toutefois par arrêt
de l'arbitre au 11e round. La revanche contre Joe
Bugner en Malaisie ne lui apporte rien, Bugner restant
toujours aussi solide.
Finalement
la bataille contre Frazier le 1er octobre 1975 à Manille,
aux Philippines, le Thrilla in Manila sera son plus
intense duel.
À
l'approche du combat, le champion en rajoute en provocation
et attise la colère de Frazier. Dans une fournaise de
52 degrés, Frazier se montre plus
acharné qu'auparavant. Particulièrement violent, cet
affrontement sera qualifié par les deux boxeurs d'état
le plus proche de la mort. Ali domine le début du combat,
mais baisse de rythme sous les coups de Frazier qui
le travaille au corps. Après un passage à vide où il
semble au bord de l'évanouissement, Ali réussit à prendre
l'avantage dans les 13 et 14e rounds. Dans la minute
de repos avant le dernier round, Eddie Futch, entraîneur
de Frazier, oblige son boxeur particulièrement atteint
au visage à abandonner51. Peu après, Ali subit un bref
malaise avant de quitter le ring. Après ce match, Ali
reconnaitra Frazier comme étant un très grand boxeur
et arrêtera ses provocations. Il présentera même ses
excuses au fils de Frazier pour toutes les menaces et
insultes qu'il avait pu dire au clan Frazier. Cependant
Frazier ne pardonnera jamais Ali pour tout le tort causé
même si en 1988, dans un documentaire consacré aux champions
des années 1970, ils se réconcilient et se provoquent
avec amusement en allant jusqu'à faire semblant d'engager
leur quatrième combat et en réclamant d'urgence un arbitre.
Ils apparaissent aussi dans des émissions (notamment
celle de Dick Cavett) riant et plaisantant ensemble.
Après
les combats intenses de 1974 et 1975, Ali baisse de
régime. En 1976, il met KO deux faire-valoir (ses dernières
victoires avant la limite) et ne remporte qu'un seul
succès appréciable contre le jeune Jimmy Young. La
polémique arrive à la fin de l'année lors de son troisième
affrontement contre Ken Norton. Ali est déclaré vainqueur
aux points après un combat serré qui fut qualifié par
la presse comme l'un des plus grands vols de l'histoire
de la boxe. En apprenant la décision à la fin du combat,
Norton s'effondre en pleurs et Ali, d'habitude porté
sur la vantardise et la fanfaronnade en fin d'affrontements,
se contente de sourire timidement à la presse. À la
suite de ces résultats mitigés, le titre de meilleur
boxeur de l'année lui fut ravi par sa plus prestigieuse
victime, George Foreman, qui accomplit un retour éclatant
contre Ron Lyle.
Cette
même année 1976, Mohamed Ali se rend au Japon pour combattre
le catcheur Antonio Inoki. Selon les conditions du combat,
tenues secrètes, Inoki n'avait pas le droit de frapper
au visage avec les pieds ; il n'était autorisé à frapper
avec les jambes que dans les membres inférieures. Le
catcheur a donc passé la quasi-totalité du combat à
se jeter au sol, cherchant à faucher les jambes d'Ali
en envoyant des low kicks, empêchant ainsi son adversaire
de développer sa boxe. Ces coups ont causé des blessures
sérieuses à Ali, qui perdit beaucoup de sa mobilité
au niveau des jambes. À l'issue de ce combat, prototype
de mixed martial arts perçu comme une opération publicitaire,
il y eut égalité entre les deux combattants.
Vieillissant,
Ali retourne au rythme « habituel » des champions, de
deux combats par an. En 1977, il réussit à conserver
son titre contre Alfredo Evangelista56 et Earnie Shavers
qui le malmena particulièrement. Trop préoccupé à perdre
du poids, il ne se concentre plus sur son entraînement.
Perte
et 3e reconquête du titre
Mohamed
Ali perd finalement son titre à 36 ans contre le champion
olympique 1976 Leon Spinks, dont c'était seulement le
huitième combat professionnel58. Il gagne la revanche
comme à son habitude, devenant ainsi champion du monde
poids lourds pour la troisième fois59, mais voyant son
déclin athlétique, il prend sa retraite le 27 juin 1979
pensant que le titre divisé en deux par la faute de
Spinks serait réunifié. Il n'en sera rien (il faudra
attendre que Mike Tyson le réunifie en 1987) et Ali
accepte l'offre de Don King d'affronter Larry Holmes
son ancien sparring partner devenu champion WBC.
Fin
de carrière
Une
paire de gants de boxe de Mohamed Ali exposée au Musée
national d'histoire américaine à Washington, D.C..
Le
2 octobre 1980, à la recherche d'un nouveau record en
tant que seul boxeur à gagner le titre en poids lourds
quatre fois, il perd avant la limite pour la seule fois
de sa carrière, lorsqu'Angelo Dundee refusa de le laisser
reprendre le combat au 11e round60. Le combat contre
Holmes, organisé comme « The Last Hurrah », est considéré
avec dédain par de nombreux fans et experts car nombre
d'entre eux ont vu une version amoindrie d'Ali. Holmes
était le partenaire d'entraînement d'Ali et pour cette
raison, certains virent le résultat de ce combat comme
un « passage de témoin », un combat de trop semblable
à ceux de Rocky Marciano contre Joe Louis ou de Mike
Tyson contre Larry Holmes. Holmes admettra même par
la suite que bien qu'il dominât le combat, il retenait
un peu ses coups par pur respect pour son idole et ancien
employeur.
Malgré
l'apparent caractère définitif de sa défaite contre
Holmes, ainsi que sa condition physique suspecte, Ali
boxera encore une fois : le 11 décembre 1981, il affronte
en effet le challenger en pleine ascension et futur
champion Trevor Berbick dans ce qui fut dénommé The
Drama in the Bahamas. Ali étant alors vu comme un boxeur
diminué, peu de salles américaines témoignèrent de l'intérêt
pour ce combat et peu de fans montrèrent d'enthousiasme
à s'y rendre ou à le regarder. Comparé aux combats qu'Ali
avait disputés plus tôt dans sa carrière dans des endroits
renommés, le match eut finalement lieu dans une quasi-indifférence
à Nassau. Il fait une prestation légèrement meilleure
que celle offerte contre Holmes 14 mois auparavant mais
perd néanmoins par décision unanime à la dixième reprise
au profit de Berbick, qui à 27 ans était de 12 ans son
cadet.
Style
Mohamed
Ali a un style peu commun pour un boxeur poids lourds.
Il tient généralement les mains le long de son corps
plutôt qu'en position haute pour protéger son visage.
Faisant confiance à ses réflexes ainsi qu'à son allonge
exceptionnelle (2,10 m d'envergure), pour parer les
coups de son adversaire. Ali frappe à la tête plus que
la plupart des boxeurs (une stratégie risquée car sur
la durée d'un long combat, les coups au corps peuvent
s'avérer bien plus efficaces pour épuiser un adversaire).
Mais là où il fut un poids-lourd hors-normes, c'est
dans ses déplacements souples, rapides, précis, qu'il
résumait par la formule « vole comme un papillon, pique
comme l'abeille ».
La
maladie de Parkinson
Mohamed
Ali aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996.
On
diagnostiqua qu'Ali était atteint de la maladie de Parkinson
en 1984 ; par la suite, ses fonctions motrices commencèrent
à décliner lentement. Sa conversion officielle à l'islam
sunnite et sa prise de distance avec l'historique Nation
of Islam expliquent en partie son retour en grâce aux
États-Unis où il fut accueilli à la Maison-Blanche par
Gerald Ford et médaillé par George H. W. Bush.
En
1985, on lui demanda de négocier la libération de ses
compatriotes enlevés au Liban ; en 1990 à la veille
de la guerre du Golfe il se rend à Bagdad et rencontre
Saddam Hussein auprès de qui il plaide pour la paix
et cherche à le persuader de ne pas étendre le conflit.
Il n'obtient pas cela mais son entretien permet la libération
de 15 de ses compatriotes faits prisonniers par l'Irak
au cours de l'opération Bouclier du désert62. Vu la
popularité de Mohamed Ali dans le tiers-monde, cette
rencontre sera utilisée comme propagande par le régime
baasiste irakien62. En 1996, c'est lui qui allume la
flamme olympique à Atlanta. Durant les mêmes olympiades,
on lui offre également une médaille d'or pour remplacer
celle qu'il avait gagnée en 1960 et qu'il avait jetée
dans l'Ohio63 parce qu'on refusait de le servir dans
un restaurant à cause de sa couleur de peau. Selon l'Équipe,
cela est pure légende et Ali aurait reconnu avoir tout
simplement égaré sa médaille.
Sa
fille Laila Ali devint à son tour boxeuse en 1999, malgré
ses commentaires de 1978 contre la boxe féminine : «
les femmes ne sont pas faites pour être frappées à la
poitrine et au visage comme ça … les corps ne sont pas
faits pour être boxés ici (en touchant sa poitrine).
Se faire « frapper » au sein … « dur » … et tout ça.»
En
2012, Mohamed Ali est présent lors de la cérémonie d'ouverture
des Jeux olympiques d'été à Londres ; il s'agit d'une
de ses dernières apparitions publiques65. L'ancien champion
apparaît pour la dernière fois en public, en avril 2016,
à Phoenix, à l'occasion d'un dîner de charité visant
à recueillir des fonds pour la recherche contre la maladie
de Parkinson.
Après
avoir été à deux reprises hospitalisé (fin 2014 et début
2015), pour une pneumonie et une infection urinaire,
Ali est hospitalisé le 2 juin 2016, pour des problèmes
respiratoires, à l'HonorHealth Scottsdale Osborn Medical
Center de Scottsdale. Il meurt dans cette clinique le
lendemain, dans la soirée, à l'âge de 74 ans, après
avoir lutté pendant 32 ans contre la maladie de Parkinson.
FILMS
- 1962, Requiem pour un champion de Ralph Nelson. Il joue son propre rôle dans ce film de fiction sur la boxe; apparaissant assez brièvement dans le pré-générique, au cours d'un combat, où il met KO le personnage principal Mountain Rivera interprété par Anthony Quinn.
- 1969, Muhammad Ali, the Greatest de William Klein.
- 1977, The Greatest de Tom Gries et Monte Hellman, œuvre de fiction, portrait de Mohamed Ali (Ali jouant son propre rôle), Ernest Borgnine, Robert Duvall, Arthur Adams.
- 1996, When We Were Kings, un film documentaire de Leon Gast sur Mohamed Ali tourné en 1974, pendant la période du combat The Rumble in the Jungle contre George Foreman.
- 2001, le réalisateur Michael Mann réalise un film intitulé simplement Ali, avec Will Smith dans le rôle titre.
- 2013, Muhammad Ali's Greatest Fight par Stephen Frears.
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