Enfance
et débuts
Simone-Renée
Roussel est l'aînée des quatre enfants
(avec Paul, Pierre et Hélène) de Louis
Roussel, chef de service dans une maison d’exportation
de parfum, et de Georgette Payot, mère au foyer.
Son père se trouve au chômage après
la crise de 1929. En 1933, il installe sa famille rue
de la Barre à Dieppe, où il reprend le
fonds de commerce d'une épicerie, mais fait faillite
deux ans plus tard.
La
petite Simone découvre la scène à
l'occasion de spectacles du casino de Dieppe. En 1935,
elle décide de « monter à Paris
» avec son frère cadet, Paul, et s'installe
chez ses grands-parents à Neuilly ; par l'intermédiaire
d'agences de casting, elle obtient son premier rôle
comme figurante dans Mam'zelle Mozart. Le réalisateur
Yvan Noé lui conseille de se perfectionner en
prenant des cours d’art dramatique. L'année suivante,
elle s'inscrit au cours Simon. Elle adopte en 1937 le
pseudonyme de Michèle Morgan.
Carrière
En
mars 1937, la scripte Jeanne Witta la recommande au
réalisateur Marc Allégret qui prépare
son film Gribouille4. Après un essai concluant,
le milliardaire suisse Max Stoffel, producteur du film,
insiste pour lui confier le premier rôle féminin.
Elle signe son premier contrat pour un montant de 12
500 F. Le film est un succès. La RKO lui propose
un contrat à Hollywood sur la base de 2 000 F
par semaine. À la fin de 1937, elle tourne Orage
avec Charles Boyer, grande vedette de l'époque.
En
1938 elle tourne avec Jean Gabin dans Le Quai des brumes
que réalise Marcel Carné. Son regard,
d'un bleu limpide, un peu énigmatique et lointain,
parfois comparé à celui de Greta Garbo,
inspire à Jacques Prévert l'une des répliques
les plus célèbres du cinéma dans
ce film où le personnage, incarné par
Jean Gabin, lui murmure : « T'as d'beaux yeux,
tu sais. » Le titre de ses mémoires, publiés
en 1977, y fait également référence
: Avec ces yeux-là. En 1999, son compagnon Gérard
Oury, élu à l'Académie des beaux-arts
l'année précédente, demande au
graveur et sculpteur Pierre-Yves Trémois de graver
cette même phrase sur son épée d'académicien.
Le
3 septembre 1939, la guerre éclate, Jean Gabin
est mobilisé à Cherbourg dans la marine
nationale. Il obtient une permission exceptionnelle
pour terminer le film Remorques qu'ils tournent ensemble.
Ils partent tous les deux pour Hollywood.
Carte
postale américaine promotionnelle (vers 1940).
Après
avoir rompu avec Gabin, elle épouse aux États-Unis
William Marshall, dont elle a un fils, Mike Marshall
(1944-2005). Pendant la guerre, Michèle Morgan
tourne cinq films aux États-Unis, tous assez
décevants. En 1942, elle tourne un bout d'essai
pour le rôle principal de Soupçons, le
film que prépare Alfred Hitchcock ; elle n'est
pas retenue à cause de son anglais insuffisant.
Pressentie pour Casablanca, qui révèlera
la comédienne Ingrid Bergman, elle est convoquée
et auditionnée mais, son agent ayant réclamé
un cachet beaucoup trop élevé, le rôle
lui échappe. Elle reçoit en compensation
celui de Passage pour Marseille. Elle reconnaîtra
par la suite avoir commis plusieurs erreurs durant sa
carrière : elle refuse ainsi le rôle principal
de Johnny Belinda, qui vaut à Jane Wyman l'Oscar
de la meilleure actrice, et celui de La Nuit de Michelangelo
Antonioni. De même, par peur de la scène,
elle renonce à participer à la création
de Thé et Sympathie, qui connaît ensuite
le succès avec Ingrid Bergman.
À
son retour en France, elle reçoit en revanche
le premier prix d'interprétation féminine
de l'histoire du Festival de Cannes en 1946 pour le
rôle de Gertrude dans La Symphonie pastorale de
Jean Delannoy.
Michèle
Morgan dans L'Évadée (1946).
En
1948, elle divorce de William Marshall, puis épouse
le 6 février 1950 l'acteur Henri Vidal ; ils
tourneront plusieurs films ensemble. En 1955, elle forme
un couple avec Gérard Philipe dans Les Grandes
Manœuvres de René Clair. Elle est alors au sommet
de sa célébrité. En 1957, elle
tourne Retour de manivelle, film qui marque un tournant
dans sa carrière : incarnant jusqu'ici principalement
des héroïnes fragiles, elle y joue une femme
fatale de série noire, ce qui lui vaut ce jugement
:
«
On est étonné de voir comment ses yeux
peuvent devenir durs, sa bouche méprisante et
sa voix cruelle. »
Après
la mort d'Henri Vidal en 1959, elle devient la compagne
de Gérard Oury, rencontré sur le tournage
du film Le Miroir à deux faces d'André
Cayatte l'année précédente. Ils
resteront ensemble jusqu'à son décès
en 2006.
Ignorée
par les cinéastes de la Nouvelle Vague qui jugent
les acteurs d'avant-guerre trop chers mais aussi trop
intimidants (seul Claude Chabrol fait appel à
elle en 1962 dans Landru), elle joue dans des films
noirs dans les années 1960. Elle doit à
Michel Deville une belle occasion de rappeler sa sensualité
en interprétant une comtesse rouée dans
Benjamin ou les Mémoires d'un puceau en 1967.
Michèle Morgan suspend sa carrière, enregistre
des poèmes et se consacre essentiellement à
la peinture (gouaches, collages, huiles), dont la passion
correspond à sa rencontre avec le peintre franco-polonais
Moïse Kisling qui avait réalisé son
portrait en 1943 à Los Angeles, et à
la haute couture. Elle réapparaît épisodiquement
pour la télévision, le cinéma ou
le théâtre. Elle préside le jury
du Festival de Cannes 1971.
En
1975, Claude Lelouch la fait revenir à l'écran
dans Le Chat et la Souris. Elle annonce son retrait
du cinéma après ce film. Marraine du
Festival de Cannes 1996 et Lion d'or pour l'ensemble
de sa carrière à Venise, Michèle
Morgan joue, en 1986 la série Le Tiroir secret
d'Édouard Molinaro, Michel Boisrond et Nadine
Trintignant qu'elle jouera accompagnée de son
fils Mike Marshall et de sa belle-fille Tonie Marshall,
et en 1997, dans le téléfilm Des gens
si bien élevés, ces derniers écrits
par Danièle Thompson, fille de Gérard
Oury.
Après
avoir été élue dix fois par le
public « actrice française la plus populaire
», elle annonce la fin de sa carrière
en janvier 2001.
Michèle
Morgan meurt le 20 décembre 2016 dans sa demeure
de Meudon : « Dans sa 96e année, les plus
beaux yeux du cinéma se sont fermés définitivement, mardi 20 décembre »,. Après des
obsèques le 23 décembre à l’église
Saint-Pierre de Neuilly-sur-Seine, Michèle Morgan est inhumée
au cimetière du Montparnasse, dans le caveau
de famille.
FILMS
Années
1930
1935
: La Vie parisienne de Robert Siodmak : figuration
1935
: Mademoiselle Mozart d'Yvan Noé : une entraîneuse
à L'Eléphant blanc
1935
: Une fille à papa de René Guissart :
une voyageuse
1936
: Mes tantes et moi d'Yvan Noé : Michèle
1936
: Gigolette d'Yvan Noé : une soubrette
1936
: Le Mioche de Léonide Moguy : l'élève
1937
: Gribouille de Marc Allégret : Nathalie Roguin
1938
: Orage de Marc Allégret : Françoise Massart
1938
: Le Quai des brumes de Marcel Carné : Nelly
1938
: L'Entraîneuse d'Albert Valentin : Suzy
1939
: Le Récif de corail de Maurice Gleize : Lilian
White
1939
: Les Musiciens du ciel de Georges Lacombe : la lieutenante
Saulnier
Années
1930
1940
: Remorques de Jean Grémillon : Catherine
1940
: Untel père et fils de Julien Duvivier : Marie
Froment-Léonard
1941
: My Life with Caroline de Lewis Milestone : Annette
1941
: Hedda Hopper's Hollywood , court métrage
documentaire de Herbert Moulton : elle-même
1942
: La Loi du Nord ou La Piste du nord de Jacques Feyder
: Jacqueline Bert (non créditée)
1942
: Jeanne de Paris (Joan of Paris) de Robert Stevenson
: Jeanne
1943
: Rencontre à Londres (Two Tickets to London)
d'Edwin L. Marin : Jeanne
1943
: Amour et Swing (Higher and Higher) de Tim Whelan :
Millie Pico dite Paméla Drake
1944
: Passage pour Marseille ou Cap sur Marseille (Passage
to Marseille) de Michael Curtiz : Paula
1946
: L'Évadée (The Chase) d'Arthur Ripley
: Lorna Roman
1946
: La Symphonie pastorale de Jean Delannoy : Gertrude
1947
: Première Désillusion (The Fallen Idol)
de Carol Reed : Julie
1948
: Aux yeux du souvenir de Jean Delannoy : Claire Magny
1949
: Fabiola d'Alessandro Blasetti : Fabiola
1949
: La Belle que voilà de Jean-Paul Le Chanois
: Jeanne Morel
Années
1950
Années
1950
1950
: Le Château de verre de René Clément
: Évelyne Bertal
1950
: L'Étrange Madame X de Jean Grémillon
: Irène Voisin-Larive
1950
: Maria Chapdelaine de Marc Allégret : Maria
Chapdelaine
1951
: Les Sept Péchés capitaux, sketch L'Orgueil
de Claude Autant-Lara : Anne-Marie de Pallières
1951
: Vedettes sans maquillage, court métrage de
Jacques Guillon : elle-même
1952
: La Minute de vérité de Jean Delannoy
: Madeleine Richard
1953
: Les Orgueilleux d'Yves Allégret : Nelly
1954
: Destinées, sketch Jeanne d'Arc de Jean Delannoy
: Jeanne d'Arc
1954
: Obsession de Jean Delannoy : Hélène
Giovanni
1954
: Napoléon de Sacha Guitry : Joséphine
de Beauharnais
1955
: Les Grandes Manœuvres de René Clair : Marie-Louise
Rivière
1955
: Marguerite de la nuit de Claude Autant-Lara : Marguerite
1955
: Marie-Antoinette reine de France de Jean Delannoy
: Marie-Antoinette
1955
: Si Paris nous était conté de Sacha Guitry
: Gabrielle d'Estrée
1956
: Oasis d'Yves Allégret : Françoise Lignières
1957
: Les Vendanges (The Vintage) de Jeffrey Hayden : Léonne
Morel
1957
: Retour de Manivelle de Denys de La Patellière
: Hélène Fréminger
1958
: Le Miroir à deux faces d'André Cayatte
: Marie-Josée Tardivet
1958
: Maxime d'Henri Verneuil : Jacqueline Monneron
1958
: Femmes d'un été (Racconti d'estate)
de Gianni Franciolini : Micheline
1959
: Grand Hôtel (Menschen im Hotel) de Gottfried
Reinhardt : La Grusinskaïa
1959
: Brèves amours (Vacanze d'inverno) de Camillo
Mastrocinque : Steffa Tardier
1959
: Les Scélérats de Robert Hossein : Thelma
Rooland
1959
: Pourquoi viens-tu si tard ? d'Henri Decoin : Catherine
Ferrer
Années
1960
1960
: Fortunat d'Alex Joffé : Juliette Valcourt
1961
: Le Puits aux trois vérités de François
Villiers : Renée Plège
1961
: Les lions sont lâchés d'Henri Verneuil
: Cécile
1962
: Landru de Claude Chabrol : Célestine Buisson
1962
: Rencontres de Philippe Agostini : Bella Krastner
1962
: Le crime ne paie pas, sketch L'Affaire Hugues de Gérard
Oury : Jeanne Hugues
1962
: Un cœur gros comme ça de François Reichenbach
: elle-même
1963
: Méfiez-vous, mesdames d'André Hunebelle
: Denise Duparc
1963
: Constance aux enfers de François Villiers :
Constance
1964
: Les Yeux cernés de Robert Hossein : Florence
1964
: Les Pas perdus de Jacques Robin : Yolande Simonet
1964
: Le Petit Boulanger de Venise ou Le Procès des
doges (Il fornaretto di Venezia) de Duccio Tessari :
la princesse Sofia
1964
: Le Corniaud de Gérard Oury : elle-même
(scène coupée au montage)
1965
: Dis-moi qui tuer d'Étienne Périer :
Geneviève Montanet
1966
: Les Centurions (Lost Command) de Mark Robson : la
comtesse de Clairfond
1967
: Benjamin ou les Mémoires d'un puceau de Michel
Deville : la comtesse
Années
1970 à 1990
1975
: Le Chat et la Souris de Claude Lelouch : Mme Richard
1977
: Jacques Prévert, documentaire de Jean Desvilles
: elle-même
1978
: Robert et Robert de Claude Lelouch : apparition
1985
: Carné, l'homme à la caméra, documentaire
de Christian-Jaque : elle-même
1986
: Un homme et une femme : vingt ans déjà
de Claude Lelouch : une spectatrice à la projection
privée
1990
: Ils vont tous bien ! (Stanno tutti bene) de Giuseppe
Tornatore : une femme dans le train
Télévision
1953
: Studio One, épisodes Camille et Silent the
Song
1967
: La Bien-aimée de Jacques Doniol-Valcroze :
Fanny Dréal
1976
: Hommage à Raimu, documentaire de Raymond Castans
et Solange Peters : elle-même
1981
: Le Tout pour le tout de Jacques Brialy
1984
: Chéri d'après Colette, captation théâtrale
d'Yves-André Hubert : Léa
1986
: Le Tiroir secret, feuilleton en six épisodes
d'Édouard Molinaro, Roger Gillioz, Michel Boisrond
et Nadine Trintignant : Colette Dutilleul-Lemarchand
1995
: La Veuve de l'architecte de Philippe Monnier : Héléna
Kramp
1997
: Des gens si bien élevés d'Alain Nahum
: Geneviève
1999
: La Rivale d'Alain Nahum : Judith Legrand
2007
: Michèle Morgan avec ces yeux-là, documentaire
d'Anne Andreu : elle-même
2010
: Les Trois Glorieuses, documentaire d'Henry-Jean Servat
et Pierrick Bequet : elle-même
Théâtre
1936
: La Fête du printemps, Monsieur Mécano
: petits rôles
1978
: Le Tout pour le tout de Françoise Dorin, mise
en scène Raymond Gérôme, théâtre
du Palais-Royal
1981
: Chéri de Colette, mise en scène Jean-Laurent
Cochet, théâtre des Variétés
1983
: Chéri de Colette, mise en scène Jean-Laurent
Cochet, théâtre des Célestins
1988
: Une femme sans histoire d'Albert Ramsdell Gurney,
mise en scène Bernard Murat, Comédie des
Champs-Élysées
1993
: Les Monstres sacrés de Jean Cocteau, mise en
scène Raymond Gérôme, théâtre
des Bouffes-Parisiens
|