Sa carrière couvre, sur plus de 40 ans, les différentes époques des
grands studios américains. Elle joua les filles délurées (« les flappers ») des
années folles, les jeunes femmes arrivistes dans les années trente, les femmes
victimes dans des mélodrames des années 40 et 50.
Elle obtient un Oscar en 1945 pour Le Roman de Mildred Pierce.
Elle a été
l’une des actrices américaines dont l’étoile a brillé le plus longtemps et la
seule vedette du muet qui soit demeurée encore une grande star au cours des
années 60.
D’origine modeste et de parents séparés avant sa naissance,
Lucille Fay LeSueur se passionne pour la scène et le spectacle dès son plus
jeune âge (son beau-père, qui quitte également sa mère, est propriétaire d’un
théâtre à Lawton en Oklahoma). Elle adopte, en même temps que le pseudonyme de
son beau-père, un nom de scène : Billie Cassin.
Âgée d’à peine douze ans,
elle effectue divers travaux ménagers, elle travaille dans une blanchisserie
puis comme vendeuse et comme serveuse de restaurant. Battue par ses proches et
humiliée dans sa vie quotidienne, la jeune femme ravale sa fierté et n’a qu’une
idée en tête se sortir de la misère. Elle cultive sa passion, la danse, et
continue à prendre des cours et passer des castings.
Elle finit par
devenir girl dans une troupe de théâtre et reprend son nom de Lucille LeSueur.
Elle se produit successivement dans un hôtel de Kansas City en 1921, dans la
revue d’Ernie Young à Chicago en 1923, à Detroit puis à Broadway en 1924 où elle
devient spécialiste des danses à la mode (le charleston et le black bottom).
Après un an de mariage, elle divorce de son premier mari, James Welton en 1924.
C’est en gagnant un concours de danse qu’elle se fait remarquer par un
responsable de la Metro-Goldwyn-Mayer, Harry Rapf, qui lui propose de tenter sa
chance au cinéma.
Elle commence à 17 dollars la semaine pour la MGM,
double Norma Shearer qui deviendra sa rivale attitrée et multiplie les
figurations. Elle tourne en 1925 dans Pretty ladies et obtient son premier rôle
important dans Old Clothes.
Mais son nom ne convient pas : un concours
est lancé pour lui trouver un pseudonyme et la voilà rebaptisé Joan Crawford. La
transformation peut commencer.
Elle tourne dans plus de 20 films muets en
quatre ans dont Plein les bottes avec Harry Langdon, L'Inconnu de Tod Browning
avec Lon Chaney, Un soir à Singapour avec Ramon Novarro. Ambitieuse et
impatiente de réussir, elle veut progresser. Elle assiste à d’autres tournages,
elle fréquente leurs réalisateurs et les stars de l’époque, mais ça n’avance pas
assez vite à son goût. « Comment décrocher un bon rôle quand Norma Shearer
couche avec le patron ? » dira Joan. Norma Shearer étant mariée à Irving
Thalberg, le grand producteur de la MGM.
Elle trouve enfin le succès et
la consécration en danseuse de night-club dans Les Nouvelles vierges d’Harry
Beaumont, rôle qu’elle « chipe » à Clara Bow. Film symbolique sur l’ère du jazz
qui bats alors son plein, elle incarne une jeune fille « moderne », cheveux
courts, buvant sec et changeant de partenaires masculins avec désinvolture. Elle
y gagne ses galons de star !
Dès lors Louis B. Mayer, le directeur de la
MGM, la bichonne et lui achète une maison et une voiture de luxe. La
transformation continue, on la coule dans un moule et est créée de toutes
pièces. Les esthéticiennes des studios se mettent au travail. Elle copie
l’allure de Gloria Swanson et se fait la bouche de Mae Murray. On accentue le
relief de ses pommettes, épile et arque ses sourcils. Elle subit des
interventions chirurgicales pour redresser ses dents. Elle se soumet à des
régimes draconiens et à un entraînement physique sévère. Elle est confiée aux
bons soins du brillant costumier Adrian, qui se charge, en 1929, de créer le
style « Crawford » : glamour et sexy. Jusqu’en 1943, il dessina toutes ses
toilettes à l’écran et presque toutes celles qu’elle porta à la ville. Un jour,
enfin, elle se « trouve » : lèvres charnues soulignées d’un rouge à lèvres
agressif, œil et cils maquillés de façon à approfondir le regard, sourcils
épais. Elle sera transformée en une des plus grandes légendes de l’écran noir et
blanc par la grâce de la machine à fabriquer les stars qu’est la MGM.
En
1929, elle passe avec succès « l’examen » du parlant avec L’Indomptée de Jack
Conway. À cette époque, Joan est l'épouse de Douglas Fairbanks Jr. Relation qui
fait les choux gras de la presse du cœur. Grâce à lui, elle pénètre dans les
milieux les plus fermés de la haute société hollywoodienne. Bien que les
célèbres parents de son mari, Mary Pickford et Douglas Fairbanks, n’approuvait
pas leur mariage, on vit souvent Joan à Pickfair, le domaine des Fairbanks
haut-lieu du « beau monde ».
Des rôles tels que ceux de Greta Garbo et
Norma Shearer l'attirent : aussi quand cette dernière, enceinte, doit s'arrêter,
elle prend sa place dans Paid en 1930. Joan gagne alors autant d’argent que ses
deux stars rivales de la MGM. Garbo fut d’ailleurs troublée, par cette jeune
star risquant de l’éclipser, dans le film d’Edmund Goulding de 1932, Grand
Hôtel, réunissant quelques-unes unes des plus grandes stars de la MGM et où Joan
Crawford prouve que son jeu peut rivaliser avec celui de Garbo.
Au moment
de la « Grande dépression » des années 30, Joan incarne dans une série de films,
des personnages au « quotidien » avec lesquels les spectateurs peuvent
s’identifier contrairement aux inaccessibles stars du muet. Ce sont des rôles de
jeunes vendeuses ou d’employées faisant leur chemin dans la vie malgré les
difficultés et qui atteignent un niveau social élevé tout en vivant dans le
regret et le remords d’avoir renié ses origines modestes, dans des films comme :
Fascination (1931) de Clarence Brown avec Clark Gable, Le Tourbillon de la danse
(1933) de Robert Z. Leonard avec de nouveau Clark Gable, Vivre et aimer (1934)
de Clarence Brown et surtout dans le magnifique Mannequin (1937) de Frank
Borzage avec Spencer Tracy, dans ce rôle Joan Crawford donne une de ses
meilleures interprétations.
Dans cette période, elle forme avec Clark
Gable, le couple idéal et explosif de la MGM. Ils jouèrent ensemble dans huit
films de tout genre, des mélodrames comme La Pente, des films musicaux tels que
Le Tourbillon de la danse et des comédies légères Souvent femme varie ou
Loufoque et Cie.
Ayant divorcé de Douglas Fairbanks Jr. En 1933, elle
épouse l'acteur Franchot Tone en 1935, qu’elle impose dans plusieurs de ses
films.
Mais la « mécanique » s’enraye et à la fin des années 30 le succès
n'est plus au rendez-vous. On la qualifie de « calamité pour le box-office ». La
MGM qui a reconduit son contrat à 300 000 dollars par an (pour cinq années)
s'inquiète.
Femmes de George Cukor, en 1939, lui rend, pour un moment, la
confiance de son public. Composé d’un casting uniquement féminin, le film la
confronte, pour la dernière fois, à sa grande rivale Norma Shearer. On peut
citer dans cette fin de règne à la MGM : Le Cargo maudit de Frank Borzage où
Joan Crawford retrouve pour la dernière fois son partenaire favori, Clark Gable
et deux films de George Cukor Il était une fois et Suzanne et ses idées. Les
films suivants sont des échecs et sa carrière à la MGM s’effondre.
En 43
elle quitte, par la petite porte, la compagnie après 18 ans « de bons et loyaux
services ».
Après avoir fait le siège de la Warner, la compagnie lui
ouvre ses portes avec l’idée d’en faire la rivale de la grande vedette maison,
Bette Davis.
Bien qu’elle soit au creux de la vague, Joan réalise un
come-back retentissant avec un rôle rejeté par Bette Davis, Le Roman de Mildred
Pierce. Ce film, un mélange de mélodrame et de film noir, est l’histoire d’une
mère désenchantée, il est réalisé de façon magistrale par Michael Curtiz et
rarement Joan avait été aussi émouvante. C’est le succès critique et public,
elle obtient l’Oscar de la meilleure actrice et sa carrière redémarre. La Warner
lui signe un contrat pour 7 ans à deux cent mille dollars par film.
Pour
la petite histoire, Joan Crawford prétexte, le soir de la cérémonie des Oscars,
une pneumonie, et c’est alitée, parfaitement pomponnée, qu’elle reçoit la
précieuse statuette.
Son film suivant, Humoresque, confirme la
résurrection de la star et dès lors, toutes ses apparitions se soldent par un
succès commercial : Femme ou maîtresse d’Otto Preminger, La Possédée, Boulevard
des passions de Michael Curtiz, L'Esclave du gang, Le Masque
arraché...
En 1952, Joan quitte la Warner et devient
indépendante.
Elle revient triomphale à la MGM en 1953, après 10 années
d’absence, pour tourner un film musical La Madone gitane. Mais surtout, elle
tourne Johnny Guitare en 1954, western baroque et flamboyant, un chef-d’œuvre de
Nicholas Ray qui lui offre un de ses plus beau rôle, celui de la farouche
Vienna. Le film est adulé par les critiques et les cinéphiles.
Elle
continue de tourner dans des mélodrames, ces « films de femmes » qui sont
maintenant rivées devant le petit écran et le préférent au grand. De plus, avec
l’âge, les rôles se font de plus en plus rares.
Joan tourne son chant du
cygne en 1962 avec Robert Aldrich dans Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?. Elle est
confrontée pour la première fois à son ancienne rivale de la Warner, Bette
Davis. La rencontre des deux monstres sacrés est terrible et vire à un véritable
affrontement. Mais le film est un succès et redonne aux deux stars une renommée
internationale. C'est un tel triomphe qu'une suite est entreprise en 1965,
Chut... Chut, chère Charlotte, mais Joan Crawford tombe malade et déclare
forfait. C’est Olivia de Havilland qui la remplace auprès de Bette
Davis.
Elle joue par la suite dans des films d’horreur sans grand intérêt
et travaille beaucoup pour la télévision. Elle est dirigée en 1969 par Steven
Spielberg dans l'épisode The eyes. Il s'agit d'un des trois épisodes pilotes de
Night Gallery. Après un dernier film en Grande-Bretagne en 1970, Trog, elle met
un terme à sa carrière.
Après un troisième mariage avec l’acteur Phillip
Terry (1942 – 1946), elle épouse le PDG de Pepsi-Cola, Alfred N. Steele en 1955.
Il lui légue la société à sa mort en 59 et elle s’installe au comité de
direction de la multinationale pendant quinze ans. Ne pouvant pas avoir
d’enfants, l’actrice a adopté trois filles et un garçon (Christina, Kathy, Cindy
et Christopher).
Joan Crawford meurt à New York le 10 mai 1977 rongée par
un cancer.
Christina publie en 1979, après la mort de sa mère, une
biographie « Maman très chère » qui fera l’objet d’une adaptation avec Faye
Dunaway dans le rôle de Joan Crawford.
Citations :
* « …Elle était
et est encore une grande personnalité du cinéma. Vous pouvez la photographier de
n’importe quel angle, de n’importe quel coté, n’importe où, dans n’importe
quelle condition. Elle est toujours magnifique. Mais son vrai talent, c’est la
manière qu’elle a de marcher. Si tout ce qu’elle a à faire, c’est de marcher
d’un bout à l’autre de cette pièce, vous observez que quelque chose de très
spécial se produit. Sa démarche, la manière dont elle se déplace ses bras, la
position de la tête… eh bien, elle attire votre attention simplement en se
déplaçant et elle vous accroche immédiatement. Elle n’a pas à ouvrir la bouche,
elle a à marcher, juste marcher. Et elle sera superbe... » George Cukor dans «
George Cukor » par Jean Domarchi – Cinéma d’aujourd’hui – 1965 – Éditions
Seghers.
FILMS
- 1925
: La dame de la nuit
- 1926
: Plein les bottes !
- 1927
: Le dernier refuge
- 1928
: La mauvaise route
- 1929
: La tournée du grand Duke
- 1930
: Montana moon
- 1931
: La pente
- 1932
: Captive
- 1933
: Après nous le déluge
- 1934
: Vivre et aimer
- 1935
: La femme de sa vie
- 1936
: L’enchanteresse
- 1937
: La fin de madame Cheyney
- 1938
: Mannequin
- 1939
: La féerie de la glace
- 1940
: Suzanne et ses idées
- 1941
: Il était une fois
- 1942
: Embrassons la mariée
- 1944
: Hollywood canteen
- 1945
: Le roman de Mildred Pierce
- 1946
: Humoresque
- 1947
: La possédée
- 1948
: Boulevard des passions
- 1949
: Les travailleurs du chapeau
- 1950
: L’esclave du gang
- 1951
: La flamme du passé
- 1952
: Cette femme est dangereuse
- 1953
: La madone gitane
- 1954
: Johnny Guitar
- 1955
: La maison sur la plage
- 1956
: Tempête d’automne
- 1957
: Le scandale Costello
- 1959
: Rien n’est trop beau
- 1962
: Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?
- 1963
: La coupeuse de tête
- 1964
: Della
- 1965
: Tuer n’est pas jouer
- 1966
: La ronde sanglante
- 1967
: Tueurs au karaté
- 1970
: L’abominable homme des cavernes
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