C'est ainsi qu'en 57, il est engagé dans l'orchestre de Louis Frozio qui se
produit à l'International Sporting Club. Son père voit d'un très mauvais oil
l'entrée de Claude dans le monde artistique et à dater de ce jour, la brouille
entre les deux hommes est installée, à jamais. Déterminé, Claude malgré un
maigre salaire persiste dans cette voie. Le directeur ne veut pas le laisser
chanter et bien tant pis, il va voir ailleurs et plus précisément à l'Hôtel
Provençal de Juan-les-Pins. Un peu plus sûr de lui, il commence à se faire
connaître dans les boîtes de nuit de la région. Un jour de 1959, il rencontre
celle qui deviendra un an plus tard sa femme, une danseuse anglaise du nom de
Janet Woolcoot.
Ambitieux et décidé à réussir sa vie, Claude François
décide de monter à Paris. Fin 61, il part avec femme, famille et bagages
s'installer dans la capitale. Le début des années 60 est une époque de grands
bouleversements pour la variété française. Commence l'ère de "Salut les
Copains", émission de radio célèbre, des reprises en français de grands tubes
américains, du twist et autres yé-yé. Claude François se fait engager dans la
formation d'Olivier Despax, les Gamblers. Mais la situation rester précaire. Les
cachets ne sont pas très importants et surtout, il veut toujours autant réussir.
Il sort bientôt un 45 tours chez Fontana intitulé "le Nabout twist" (sorte de
twist oriental) sous le nom de Koko. Ce premier disque est un échec.
Aimé
François s'éteint en mars 1962 et n'entend pas quelques mois après, le premier
grand succès de son fils, "Belles Belles Belles", adaptation en français d'une
chanson des Everly Brothers. Lancé par l'émission "Salut les Copains", Claude
François démarre alors une véritable carrière de chanteur. Pris en main par un
jeune impresario, Paul Lederman (futur agent de Coluche ou de Thierry Le Luron),
voilà Claude François qui commence à marcher sur les plates-bandes de ses
collègues. Il part en tournée en 1963 en première partie des Chaussettes Noires
et peu à peu, ce jeune homme hyper-énergique s'impose sur scène jusqu'à leur
ravir la vedette. Plusieurs titres vont se hisser durant cette année-là en haut
des hit-parades dont "Marche tout droit" ou "Dis-lui". Le nombre d'admiratrices
est en augmentation constante : son look de jeune homme de bonne famille, ses
cheveux blonds laqués et ses paroles aseptisées sont autant d'atouts pour
séduire un public féminin. En octobre, sort un autre tube, "Si j'avais un
marteau", adaptation de "If I had a hammer" de Trini Lopez.
Claude
François travaille beaucoup et enchaîne les chansons adaptées de l'anglais, sans
que pour autant celles-ci laissent un souvenir impérissable (la "Petite mèche de
cheveux" ou "Je veux tenir ta main"). Quoiqu'il en soit, le succès est enfin là
et le chanteur gagne de plus en plus d'argent. En 1964, il s'offre un ancien
moulin à la campagne, à Dannemois, en Ile-de-France. Quelques semaines plus
tard, on l'entend chanter "la Ferme du bonheur". C'est aussi l'année de sa
première tournée en vedette avec les Gams, groupe yé-yé par excellence, les
Lionceaux et Jacques Monty. Ce n'est pas toujours de tout repos car le chanteur
se montre maniaque, voire intransigeant et désagréable avec ses collaborateurs.
En septembre de la même année, il se produit pour la première fois à l'Olympia à
Paris. Dans ce récital, Claude François chante un "J'y pense et puis j'oublie"
assez nostalgique qui fait référence à la séparation avec sa femme,
Janet.
En 1965, le jeune homme enregistre environ une quinzaine de titres
de "les Choses de la maison" à "Même si tu revenais". Il fait un Musicorama,
émission de radio enregistrée en direct à l'Olympia à Paris, en octobre. C'est
un triomphe. Il poursuit en enregistrant et en tournant pour la télévision une
version de Cendrillon. L'année 66 est marquée par la création des Clodettes,
équipe de quatre danseuses qui font office de faire-valoir. La tournée d'été
n'en est que plus délirante, ponctuée par les scènes d'hystérie collective des
admiratrices. En fin d'année, il monte à nouveau sur la scène de l'Olympia pour
y triompher une fois de plus.
Après une courte idylle avec France Gall,
il rencontre Isabelle qui devient bientôt la mère de ses deux fils. Nous sommes
en 67 et cette année semble décisive. En effet, Claude François est en fin de
contrat chez Philips et envisage de créer sa propre entreprise. C'est chose
faite avec les Disques Flèche. Il devient artistiquement indépendant et seul
maître à bord. Un véritable homme d'affaire, patron également de son propre fan
club ! Le nouveau label est inauguré en 1968 avec le titre "Jacques a dit". Il
continue avec une adaptation des Bee Gees, "la Plus belle des choses". Mais sur
ce même disque figure une chanson qui va devenir un tube mondial. Ecrit en
collaboration avec Jacques Revaux pour la musique et Gilles Thibault pour le
texte, "Comme d'habitude" est en fait le symbole de la rupture du chanteur avec
France Gall. Adaptée en anglais par Paul Anka, "My way" sera chantée par les
plus grands de Sinatra à Elvis Presley.
En juillet de la même année,
Isabelle donne naissance à Claude Junior, vite surnommé Coco. Mais Claude
François ne fait pas étalage de sa vie privée, il veut conserver ses fans et ne
pas les décevoir. Il continue donc ses tournées, une en Italie et une autre en
Afrique, du Tchad au Gabon, en passant par la Côte d'Ivoire. Hormis la naissance
de son fils Marc, l'année 1969 ressemble aux précédentes. Il faut noter tout de
même que son passage à l'Olympia durant 16 jours à guichets fermés est à nouveau
un triomphe. Le spectacle ressemble à un véritable show à l'américaine : quatre
danseuses, huit musiciens et le grand orchestre de l'Olympia. Il enchaîne
l'année suivante avec une tournée au Canada. Mais c'est à Marseille que pour la
première fois, il va craquer alors qu'il est en scène. Le surmenage est sans
doute à l'origine de ce malaise. Il part aux Canaries se reposer. A peine
rentré, il est victime d'un accident de voiture. A peine remis (de son nez brisé
et de son visage tuméfié), Claude François, l'infatigable, repart en tournée
avec Dani et C.Jérôme.
A la fin de l'année, il rachète Podium, un
magazine pour les jeunes qui bientôt supplante ses rivaux, dont le fameux Salut
les Copains. En 1972, en véritable connaisseur de musique noire-américaine, il
part enregistrer le titre "C'est la même chanson" aux Etats-Unis, à Detroit,
dans les studios de la Tamla Motown. Mais ses activités sont maintenant
diversifiées. Il fait aussi de la production et avec les disques Flèches et
s'occupe d'artistes tels Patrick Topaloff et Alain Chamfort. Toujours à la
recherche de nouveaux talents, il recrute un jeune compositeur suisse, Patrick
Juvet, pour écrire "le Lundi au soleil",succès de l'année 72 sur lequel on voit
Claude François et les Clodettes exécuter une chorégraphie à base de petits pas
sautillants et de moulinets des bras. Cette chorégraphie devient un des symboles
du chanteur.
D'autre part, il choisit de ne pas faire l'Olympia et part
en tournée autour de Paris avec un chapiteau de 4.000 places. A la fin de
l'année, il subit un contrôle fiscal et se voit obliger de payer 2 millions de
francs à l'Etat. En 1973, il interprète "Je viens dîner ce soir", "Chanson
populaire" et surtout "Ça s'en va et ça revient", titres qui deviennent à leur
tour de véritables tubes. Pourtant, le sort semble s'acharner sur le chanteur.
En juin 73, le moulin de Dannemois est ravagé par un incendie. L'année suivante
se passe un peu mieux. "le Mal-Aimé" fait un malheur, suivi rapidement par le
méga-tube, "le Téléphone pleure", vendu à deux millions d'exemplaires. Les
affaires reprennent et Claude François investit cette fois dans une agence de
mannequins, Girls Models. On connaît l'attirance du chanteur pour les jeunes
filles qui l'avait pousser l'année précédente à racheter un magazine de charme,
Absolu. Il s'était même pour l'occasion transformé en photographe !
Poursuivant sa carrière avec frénésie, Claude François enchaîne les
succès même si au milieu de ces années 70, cela ne marche pas autant qu'il le
voudrait. Ses concerts attirent de toute façon un nombre toujours impressionnant
de spectateurs, sûrs du show délirant auquel ils vont assister. C'est ainsi que
le 1er juillet 74, il rassemble quelques 20.000 personnes à la Porte de Pantin à
Paris pour "Perce-Neige", fondation d'aide aux enfants handicapés présidé par un
de ses amis, Lino Ventura. L'année suivante, le journaliste Yves Mourousi
organise un concert de Claude François au profit de la recherche médicale,
devant un public très nombreux rassemblé aux Tuileries à Paris. Cela sera
d'ailleurs le dernier concert du chanteur dans la capitale.
Entre
enregistrements de nouveaux disques, souvent dans une atmosphère tendue due à la
maniaquerie de l'artiste, les tournées comme celles qu'il effectue aux Antilles
en avril 76 ou en Afrique à la fin de l'année, ses love-story avec la
Finlandaise Sofia ou l'Américaine Kathaleen (sa dernière compagne), ses shows
télévisés, ses voyages incessants, Claude François vit à cent à l'heure. Et
parfois cela ressemble aussi à un cauchemar : il est victime en 1975 de
l'explosion d'une bombe de l'IRA (Armée révolutionnaire irlandaise) à Londres.
Il s'en tire avec un tympan crevé. En 77, il se fait tirer dessus alors qu'il
conduit sa voiture. Sans dommage.
S'il a répété pendant des années qu'il
lui faut chanter toujours le même genre de chansons pour satisfaire son public,
Claude François sait de toute façon s'adapter aux modes dans la mesure où elles
peuvent correspondre à son personnage. En 77, la musique disco est à son apogée.
Ilsurfe donc sur la vagueen 1978avec "Alexandrie Alexandra", écrit par Etienne
Roda-Gil, l'auteur attitré de Julien Clerc. Le 11 mars 1978, la France entière
apprend que Claude François est mort électrocuté à son domicile parisien. La
disparition subite de l'idole plonge ses fans et le public en général dans un
état de profond chagrin qui vire parfois à l'hystérie. Le chanteur entre alors
dans la légende. Le jour de ses obsèques, le 15 mars, sort le 45 tours
"Alexandrie Alexandra".
Poussé par une ravageuse envie de réussir malgré
un physique et une voix que lui-même dénigrait, Claude François parvint à se
maintenir au sommet de son art pendant presque vingt ans. Son esprit
entreprenant ainsi que son flair indéniable furent les moteurs de cette carrière
extraordinaire qui fit de lui le détenteur du label "Chanson populaire". Il
demeure un symbole : celui de la France giscardienne, celle des années 70, de la
télévision pailletée, des mythiques émissions de variétés de Maritie et Gilbert
Carpentier. Personnalité ambiguë, certainement très méconnue encore, pas toujour
saussi brillante que ses costumes satinés, Claude François est aujourd'hui une
icône.
Le 11 mars 2000, 22 ans jour pour jour après sa disparition, une
place Claude-François est inaugurée en fanfare au pied de son ancien domicile
parisien. Le 11 mars 2003, ce nouvel anniversaire est largement célébré par ses
admirateurs qui ne perdent pas une occasion de cultiver son souvenir, parfois
jusqu'au ridicule. Une mèche des cheveux du chanteur pouvant se céder à 15.000
francs (2500 euros). Du côté marketing, Claude François est aussi toujours une
valeur sûre. Ses tubes rapportent toujours beaucoup d'argent : depuis les années
90 et le revival autour des années 70,plus de 250.000 disques et compilations de
Claude François se sont écoulées. Son fils Claude François Junior a rouvert en
1993 les Disques Flèches, non pas pour produire des disques, mais pour gérer le
patrimoine et l'image du chanteur. |